Permis de conduire : une réforme européenne qui change la donne, mais qui inquiète les associations de malades
Le Parlement européen a adopté en octobre 2025 une vaste réforme du permis de conduire applicable dans les 27 pays de l’Union. L’objectif est de renforcer la sécurité routière, d’harmoniser les règles entre États membres et de moderniser le précieux sésame à l’ère du numérique.
Mais derrière cette volonté d’uniformisation, certaines mesures soulèvent déjà des inquiétudes, notamment pour les conducteurs âgés ou atteints de maladies chroniques.
Désormais, le permis de conduire sera délivré pour 15 ans maximum pour les voitures et motos (5 ans pour les poids lourds). Sa délivrance et son renouvellement seront conditionnés à une visite médicale obligatoire, comprenant notamment un contrôle de la vue et un examen cardiovasculaire. Les États membres conserveront une certaine souplesse. Ils pourront opter pour une auto-évaluation médicale à la place de la visite chez un médecin agréé.
Pour les conducteurs de plus de 65 ans, la durée de validité du permis pourrait être raccourcie avec des contrôles médicaux plus fréquents, afin de vérifier l’aptitude à la conduite en toute sécurité.
Les associations alertent sur le coût du contrôle médical
Cette mesure inquiète déjà plusieurs organisations. Onze associations de malades et de personnes handicapées, parmi lesquelles France Assos Santé, APF France Handicap, France Parkinson et la Fédération française des diabétiques, dénoncent une hausse annoncée du tarif de la visite médicale qui passera de 36 à 50 €, d’ici la fin de l’année. Un montant non remboursé, sauf en cas d’invalidité supérieure à 50 %, qui pourrait devenir un frein pour de nombreux conducteurs fragiles.
Ces associations rappellent qu’entre 1,5 et 2 millions de personnes devraient passer régulièrement ce contrôle en raison de leur pathologie (diabète, épilepsie, troubles de l’équilibre, maladie d’Alzheimer, etc.), mais beaucoup y renoncent faute de moyens ou par méconnaissance de la loi. Elles demandent donc à l’État de prendre en charge financièrement cette consultation, jugeant injuste de faire supporter ce coût à des personnes déjà lourdement touchées par la maladie.
De nouvelles règles pour tous les conducteurs
La réforme introduit également plusieurs nouveautés pour l’ensemble des usagers :
- Un examen du permis renforcé, intégrant les notions d’angles morts, de partage de la route avec les piétons et cyclistes, et l’usage responsable du téléphone ou des aides à la conduite.
- La conduite accompagnée dès 17 ans, déjà possible en France, généralisée à toute l’Europe.
- Une période probatoire harmonisée d’au moins deux ans pour les jeunes conducteurs, avec sanctions renforcées en cas d’infraction grave.
- Un permis numérique, disponible sur smartphone d’ici 2030, tout en conservant la possibilité d’un format physique.
Cette réforme s’inscrit dans le programme européen “Vision Zéro”, qui vise à réduire de moitié le nombre de morts sur les routes d’ici 2030 et à tendre vers zéro décès en 2050.
Mais pour les associations de patients, la sécurité routière ne doit pas se faire au détriment de la justice sociale : sans prise en charge du contrôle médical, les plus fragiles risquent d’être privés de leur mobilité – souvent essentielle à leur autonomie.
En France, la mise en œuvre s’étendra entre 2026 et 2028. Plusieurs impacts concrets sont à prévoir, comme une réforme des épreuves du permis, l’intégration du permis numérique dans France Identité, l’adaptation du suivi médical, et enfin, l’accès aux bases de données européennes pour les forces de l’ordre.
Astrid Cluis
Ergothérapeute

